Impossible de passer à côté de Jicky lorsqu'on s'intéresse au parfum, puisqu'il marque le début de l'ère moderne en parfumerie, lors de sa création en 1889. En effet, Aimé Guerlain utilisa pour la première fois des matières de synthèse, notamment la vanilline et la coumarine, faisant ainsi de Jicky un parfum réellement nouveau pour l'époque. 

L'origine de cette création est assez compliquée. Elle aurait tout d'abord été créée pour les femmes, en hommage à un amour de jeunesse d'Aimé Guerlain, connu en Angleterre durant ses études. Les femmes trouvant cette création trop masculine, elle a ainsi été rélancée, mais cette fois pour les hommes, expliquant que Jicky était aussi le surnom que l'on donnait à Jacques Guerlain, le neveu d'Aimé Guerlain. Mais l'histoire de ce parfum ne s'arrête pas là. Au début des années 20, l'émancipation des femmes et la revendication sur l'égalité entre les sexes donnera naissance au phénomène de La Garçonne en mode vestimentaire. Ces femmes qui s'appropriaient les codes masculins dans de nombreux domaines et Jicky, alors porté par les hommes est (re)devenu porté par les femmes. Du fait de ces échanges entre les sexes, Jicky est aujourd'hui une référence devenue mixte. 

En effet, sa composition en fait un parfum résolument androgyne, avec cette lavande fusante (aux côtés de la bergamote et du romarin en tête), qui le destine d'emblée à un univers plus masculin, tandis qu'elle s'épanouit sur des notes plus florales en coeur (rose, jasmin). Mais c'est surtout cette dimension plus enveloppante et chaleureuse des notes de fond qui lui donne ce caractère si particulier. D'une part les notes de vanilline le féminisent, mais les notes animales en font un parfum au caractère très marqué. 

Les fameuses notes vanillées et sensuelles de Jicky marquent d'une part les balbutiements de la Guerlinade, signature typique des parfums Guerlain, mais elles annoncent surtout Shalimar, dont l'aspect vanillé sera amplifié tout en gommant la présence de la lavande, quelques années plus tard.